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L'Instrumentalisation de l'Histoire dans la pensée politique de Charles Renouvier |
L'Instrumentalisation de l'Histoire
dans la pensée politique de Charles Renouvier
Ugo bellagamba « Je
n’ai de cesse de blâmer la mollesse d’un gouvernement que tes maîtres
et tes flatteurs nomment la Philosophie sur le trône et que j’appelle,
moi, un lâche abandon de la Volonté au cours des choses. Tu es
satisfait si, interposant ta douceur de tempérament dans le cours de la
décadence des choses romaines, tu parviens à glisser un intervalle
d’oubli et de sommeil entre les tyrans que nous eûmes et ceux que nous
aurons, entre la barbarie jusqu’alors vaincue, grâce à quelques restes
du sang et des traditions de nos ancêtres, et la barbarie bientôt
victorieuse de leurs fils dégénérés. Je te prédis, et tu te prédis à
toi-même, sans avoir consulté l’oracle d’Ammon, la ruine de l’Empire » (1).
C’est par ces mots que le général Avidius Cassius, vainqueur de la
guerre contre les Parthes et gouverneur des provinces romaines
d’Orient, s’adresse à l’empereur, en 175. Marqué par la franchise de la
lettre d’Avidius, Marc-Aurèle l’adopte six mois plus tard, répudie son
épouse Faustine, fait exiler Commode, et confie à Avidius Cassius les
rênes de l’empire. C'est la fin de la dynastie des Antonins. Désigné
dictateur pour vingt-cinq ans, Avidius Cassius entame une série de
réformes destinées à rendre au peuple et au sénat les droits que la
dérive impériale leur avait confisqués. Il élargit la citoyenneté
romaine, garantit la propriété des terres cultivables à tous,
affranchit les esclaves, met en place le service militaire et
l’éducation publique obligatoires. Enfin, il accentue la persécution
contre les adeptes du christianisme. Au bout de quelques années, la
reconnaissance des droits naturels d’égalité et de liberté aboutit à la
fin de toute forme de servitude, à la victoire de l’individu, à l'échec
de la secte chrétienne et au retour pérenne de la République
démocratique.
Ce qui précède est pure fiction.
Avidius n’a jamais écrit de lettre à Marc-Aurèle. Il a été assassiné
par ses propres légions et Commode a succédé à son père, en 180. Quant
au christianisme, il n’a jamais cessé de s’étendre au sein de l'Empire
romain. L’auteur de cette « histoire imaginaire », dont l’accession au
pouvoir du général Avidius Cassius ne constitue que le point de départ,
est le philosophe français Charles Renouvier (2).
Né en 1815 à Montpellier, dans une famille d’hommes politiques et de
scientifiques (3), il entre à l’Ecole polytechnique en 1834 et se
consacre à l’étude de la philosophie de Descartes (4). Ayant participé
à un concours sur le cartésianisme, il publie son mémoire en 1842, sous
le titre Manuel de philosophie moderne (5).
Charles Renouvier est l’une des incarnations de l’esprit de 1848, qui
tente un syncrétisme entre la sacralisation de la république et sa
conciliation avec les valeurs chrétiennes, le tout sur fond de
révolution industrielle. Marqué par le saint-simonisme, tenté par le
positivisme, Renouvier se situe à mi-chemin entre les socialistes et
les républicains radicaux. Il qualifie son républicanisme de « socialisme libéral », tout en dénonçant l’égoïsme de la richesse qui « mange les pauvres », dans son Manuel républicain de l’homme et du citoyen (6). Auteur, aux côtés de Fauvety, d’un Projet d’auto-organisation communale et centrale de la République (7), Renouvier se détourne de la politique à l’avènement du Second Empire. Il publie une Science de la morale (8) en 1869, et collabore à la Revue philosophique (9) de Fauvety, jusqu’à ce qu’elle cesse de paraître.
Á partir de 1872, ses idées républicaines (10) et socialistes trouvent à nouveau à s’exprimer dans La Critique philosophique (11), qu’il contribue à fonder et dont le programme est clair : « développer les principes de la philosophie critique, de la morale rationnelle et de la politique républicaine »
(12). Ce mariage entre philosophie, politique et morale universelle,
visant à la promotion de la République, est représentatif de sa pensée.
Résolument anticlérical, Renouvier considère que la philosophie, bien
comprise et bien pratiquée, « est plus efficace à la longue qu’une religion unique »
(13). Toutes les questions politiques se ramènent à des questions de
morale. Identifiant l’idée républicaine avec les préceptes de la Raison
pratique, il fait sienne la philosophie de Kant (14).
Mais, c’est surtout le rôle joué par l’Histoire qu'il est intéressant
de présenter ici. Lecteur assidu et admiratif de Victor Hugo (15),
Renouvier a une approche politique de l’Histoire. Celle-ci est
invoquée, voire instrumentalisée, c’est-à-dire invitée à
légitimer une argumentation politique, dans la plupart de ses écrits.
Il arrive même qu’elle en devient le sujet principal. Charles Renouvier
fait publier « l’Uchronie ou utopie dans l'histoire, esquisse
historique apocryphe du développement de la civilisation européenne tel
qu’il n’a pas été, tel qu’il aurait dû être » pour la première fois en 1876.
Le néologisme qui donne son titre à l'ouvrage est bâti sur le modèle de
« U – TOPOS », littéralement « le-lieu-de-nulle-part », forgé par Sir
Thomas More et qui a eu la pérennité que l'on sait (16). Renouvier,
quant à lui, invente le « U – CHRONOS », c'est-à-dire
« le-temps-qui-n’a-pas-été ». Il s’agit ici de décrire, une histoire,
supposée meilleure, qui n’est jamais advenue. Que se serait-il passé si… ? est la question posée par l'auteur. C'est un passé « revisité » (17), résolument imaginaire, qui joue une fonction critique. Geoffroy avait ouvert la voie, dès 1836, avec son Napoléon apocryphe
(18) ; Charles Renouvier fonde un nouveau genre littéraire dans lequel
l'histoire devient le terrain de jeu de la spéculation philosophique.
Le texte de l’Uchronie
est le fruit d’une analyse critique des réalités politiques, sociales
et institutionnelles contemporaines de sa rédaction. Renouvier y
revisite l’histoire par l’imaginaire (I) dans le but affiché de
consolider la république dans le réel (II). Il met la fiction au
service de sa pédagogie républicaine.
I – L’Histoire revisitée par l’Imaginaire. Selon une méthode employée par de nombreux utopistes, Charles Renouvier prétend ne pas être l’auteur de l’Uchronie. Un soi-disant « Avant-propos de l’éditeur » (19) informe les lecteurs que le texte qui suit est la traduction d’un manuscrit, apocryphe, d’un frère Prêcheur « qui serait mort à Rome, dans la première année du 17ème siècle ». Il aurait été persécuté par l’Inquisition, « peu après Giordano Bruno » (20) et la diffusion du manuscrit interdite par l’Église. Celui-ci postulait en effet que « le
christianisme aurait pu ne pas triompher anciennement dans l’Occident,
s’établir dans l’Orient seul et ne rentrer en Europe que tard, après
qu’il aurait abandonné sincèrement ses vues dominatrices » (21). Le
thème central de l’ouvrage est donné (22). Avant d’en analyser la
dimension politique et philosophique, il faut retracer les grands
événements de l’histoire imaginée par Renouvier. Deux éléments en
fondent la spécificité : la mise à l’écart du christianisme (23) des
destinées de l’Occident (A) et l’accélération de la révolution
industrielle (B). A – De la romanité libérée du christianisme à la fédération européenne.
L’accession au pouvoir du général Avidius Cassius en 175 marque le
début d'une série de réformes approuvées par le Sénat, votées par les
comices (24). Toutes tendent à promouvoir les libertés individuelles et
à permettre le retour de la République (25). Les destinées de la Gaule
méridionale en ressortent modifiées : la généralisation de la petite
propriété, la disparition des taxes « vexatoires » permet l’essor du commerce et de l’industrie. Le vrai citoyen remplace « les troupeaux de colons, les bandes d’oisifs et les hordes militaires » (26). La prospérité économique sert de ciment à la démocratie. Mais trois maux doivent être éradiqués : « les barbares et l’armée qui les contient, la dépopulation et les esclaves, les chrétiens et l’indifférence politique » (27).
La mise en place d'un serment civique que les chrétiens ne pourront
accepter de prêter, puisqu'il ne reconnaît aucune puissance
surnaturelle, permet de régler la question du christianisme. Les
réfractaires de la secte sont exilés dans « certaines régions de l’Orient »
et la peine capitale attend ceux qui tenteraient d'en revenir (28). La
séparation entre un Occident dominé par l’idée républicaine et un
Orient qui glisse déjà vers le fanatisme est consommée, quoique Rome
conserve un contrôle nominal sur ses provinces orientales. Le fait religieux est donc déterminant pour Renouvier : en Orient , « le pouvoir des surveillants religieux se substituait graduellement à celui des officiers civils »
(29). Et, à la désagrégation politique, s’ajoutent les discordes
théologiques sur la nature de Dieu (30). Renouvier postule un essor de
l’arianisme (31) qui constitue un moyen terme et aide à la formation
des premières nations d’Orient. Dans la première moitié du XIIe siècle
républicain (32), la Syrie, l’Egypte, l’Asie Mineure, la Thrace et
l’Afrique, « ces contrées si éloignées les unes des autres (…)
passaient de l’état d’émeute, pour ainsi dire endémique, à celui
d’insurrection totale et violente contre l’ennemi commun, à la fois
l’étranger, l’impie et le collecteur d’impôts, le gouvernement romain,
oppresseur des peuples de Dieu » (33). C’est la crise la plus grave
que doit affronter Rome depuis la succession de Marc-Aurèle. Les
victoires des légions romaines permettent de contenir la menace aux
frontières, en laissant « pleine liberté aux Barbares de s’étendre et aux chrétiens d’établir parmi eux la suprématie de la religion sur la civilisation » (34). Ainsi, à la fin du XIIIe siècle républicain (Ve siècle de l'ère chrétienne), Alaric, roi des Wisigoths, « étendit
ses armes de la Thrace au fond de la Libye et fit reconnaître vingt ans
sa suprématie à tout ce que l’Orient comptait de diocèses de la foi
arienne » (35) ; Théodoric, roi des Ostrogoths, « approcha mieux encore du but et restaura presque l’Empire en Orient » (36). Mais ces royaumes barbaro-chrétiens, note Renouvier, « devaient naturellement se terminer avec la vie et les victoires d’un homme »
(37). La disparition de Théodoric amorce une décomposition territoriale
et une dilution du pouvoir politique. L’insécurité s’accroît, les
routes commerciales sont coupées, les terres cultivables restent en
friche. La population diminue, se rassemble dans des forteresses. Le
droit écrit disparaît, l'esclavage est rétabli. Un nouveau type
d’autorité profite de la ruine des communautés urbaines et, « depuis le Danube jusqu’au Nil » (38), c'est la mise en place de la féodalité. L’hérésie arienne, très répandue chez les Germains et les Arabes, les conduit « jusqu’au monothéisme pur et farouche »
(39). Á la fin du XIVe siècle (début du VIIe siècle de l’ère
chrétienne), un prédicateur, du nom de Mohammed, prétend être le
dépositaire « des ordres véritables que les chrétiens avaient falsifiés, d’adorer Dieu seul comme dieu et d’honorer Jésus comme un prophète ». Ce nouveau culte, que Renouvier qualifie de « christianisme ultra-arien » (40), ou mahométan, se répand rapidement hors de l’Arabie.
En Occident, la République est menacée par les luttes intestines
entre « parti de l’oligarchie » et « parti populaire » (41). Le Sénat
craint une émeute populaire. En ce XIe siècle (VIIIe de l’ère
chrétienne), le consul Constantius Chloros, lié au parti oligarchique
est autorisé « à conduire son armée en Italie et à Rome même ». Les sénateurs tentent de faire voter des mesures portant atteinte à l’état des personnes. Le soulèvement est « prompt à Rome et dans une grande partie de l’Italie »
(42). Le parti populaire, avec l’appui de milices urbaines, s’empare du
Capitole. Le consul est condamné à mort, le Sénat se soumet à des
élections et la nouvelle assemblée vote des réformes décisives (43).
Au milieu du XIIe siècle (le IXe siècle de l’ère chrétienne), les
anciennes provinces occidentales de Rome déclarent leur indépendance
(44) et établissent entre elles des relations privilégiées, prélude à
une fédération européenne. La République est réduite à la seule Italie
(45). L’éveil des nations s’accompagne du réveil des religions. En
Gaule, le druidisme réapparaît (46), en Grèce, c’est « la religion platonicienne » (47) qui succède à la laïcité qu’avait imposée Rome. Un doctrine particulière, le « panthéisme » (48), prône la tolérance, intègre la religion à la vie civique, prépare les peuples à un retour du christianisme. En Orient, où « les esprits (...) avaient la religion pour unique moteur moral »
(49), le fanatisme finit par provoquer, malgré les dissensions
théologiques, une série de croisades contre l’Occident honni. Vers la
fin du XVe siècle républicain, des principautés héréditaires finissent
par émerger de l’anarchie féodale. Rattachées entre elles par des liens
de vassalité, elles se coordonnent, sous l'influence unificatrice du
clergé qui leur désigne le véritable adversaire : Rome (50). Le but de
la Croisade est de libérer le tombeau des apôtres. Mais, au-delà des
raisons spirituelles, saillent des motivations matérielles pour les
princes orientaux qui rêvent d’obtenir « un établissement politique en Italie, ou même le siège romain temporel et puis la souveraineté du monde » (51). Les républiques occidentales, « l’Italie entre toutes », sont menacées (52).
Au bout d’un siècle de croisades, l’Occident n’est pas redevenu chrétien, mais « de grands changements »
(53) interviennent, grâce à une reconnaissance réciproque, à la
réouverture des routes commerciales, dont la Grèce s’avère la
principale bénéficiaire. C'est la Réforme, en Germanie, qui rapproche
enfin les pays occidentaux et permet la réintégration du christianisme
en Occident (54), non plus en tant que religion dominante et vouée à
légitimer le pouvoir politique, mais en tant que culte parmi tant
d’autres, compatible avec les droits naturels de tout individu, liberté
et égalité. Les Mystères d’Eleusis (55), antique culte de la
déesse Déméter qui s'était épanoui en Gaule, constituent la réponse
syncrétique à la querelle entre foi chrétienne et philosophie romaine :
« les nations chrétiennes réformées et les nations philosophiques à religions libres s'ouvrirent les unes aux autres » (56).
B – L’âge d’or technologique, accélérateur du progrès social.
En faisant de la science le moteur d’une révolution industrielle qui
modifie en profondeur les structures sociales, Charles Renouvier se
positionne dans la droite lignée des utopies socialistes et
scientistes. L’Uchronie, si elle s’arrête au XVIe siècle
républicain, c’est-à-dire au VIIIe siècle de notre ère, se conclue par
un tableau des conquêtes matérielles qu’il est utile de détailler. Si
ce genre d’énumération de réalisations techniques, décuplant les
potentialités humaines, est devenu un leitmotiv de la
littérature utopique, il est aussi le signe d’une prise de conscience
plus profonde, liée à la sacralisation de la science, capable, autant
que les institutions politiques, sinon plus, de changer le monde et de
garantir le bonheur aux Hommes (57).
Cette partie de l’œuvre uchronique de Charles Renouvier opère un lien
évident avec l’utopie industrielle de Saint-Simon et l’obsession de cet
auteur pour les « grands travaux industriels » (58). L’idéologie saint-simonienne, selon laquelle la société est une machine organisée par des « ingénieurs sociaux »
et surveillée par un Etat capable de la réparer, a sans doute séduit
Renouvier dans sa jeunesse et participé à l’expression de son idéal
républicain. Sans compter que, comme Claude-Henri de Rouvray, Renouvier
s’intéresse de près au christianisme (59) et à la place qu’il joue dans
la phase « critique » qui doit donner naissance à la civilisation
industrielle qui incarne la phase « organique » du XIXe siècle (60). Si
Saint-Simon tente d’adapter le christianisme à l’ère industrielle,
Renouvier, lui, cherche à s’en débarrasser, le temps qu’il renonce à
ses prétentions hégémoniques et se recentre sur le seul individu. Plus
que les savants, ce sont surtout les enseignants, chez Renouvier, qui
doivent jouer le rôle des abeilles dans la société industrielle, en
remplaçant les frelons ecclésiastiques qui s’évertuent à maintenir la
tradition de soumission. On peut également opérer un rapprochement pertinent entre l’Uchronie de Renouvier et le fouriérisme, courant politique né de l'interprétation de l'oeuvre centrale de Charles Fourier, La Réforme industrielle ou le Phalanstère
(61), publiée dans les années 1830. Non pas tant quant à la place
réservé à « l’attraction », même si Renouvier évoque, dans son œuvre,
les passions humaines, mais surtout quant aux réalisations techniques
que permettra l’unification de l’humanité au sein d’un seul et même
phalanstère : grands travaux industriels qui ne pourront être effectués
que grâce à la victoire de la science et du socialisme. L’accélération
technologique extraordinaire que permettent les phalanstères est, sans
doute, l’une des sources de celle qui marque les dernières pages de l’Uchronie. Enfin, le Voyage en Icarie (62) et Le vrai christianisme selon Jésus-Christ
(63) d’Etienne Cabet ne sont pas des références illégitimes tant le
rapprochement opéré entre l’idéal du communisme et les valeurs
chrétiennes originelles a pu, a contrario, influencer l’approche uchronique de Renouvier.
Il faut en déduire que s’il est avant tout un penseur républicain,
Charles Renouvier est également, en raison de la dimension utopique de
son récit, qui se concentre sur une réinterprétation de l’histoire du
christianisme et sur une mise en avant de la science, l’héritier des
socialistes utopistes. L’Uchronie est bien l’utopie appliquée à
l'histoire… et elle a été écrite pour « enseigner » un pays réel et
contemporain. Le message délivré par Renouvier est d’autant plus clair
qu’en opérant un lien entre progrès technologique et progrès social,
l’auteur établit une comparaison lourde de sens : « si nous-mêmes,
aujourd’hui, nous avions atteint ce point de civilisation, on pourrait
résumer l’hypothèse de l’Uchronie en disant qu’elle fait gagner mille
ans à l’Histoire. Mais nous ne l’avons pas atteint. » (64) Seule la
République laïque, égalitaire, rationnelle et industrielle, est à même
de permettre à l’Humanité et de rattraper le retard que le
christianisme lui a fait prendre. Par conséquent, il faut consolider la
République dans les faits, par le droit, par les réformes
institutionnelles, par le discours politique qui la justifient aux yeux
du Peuple, et la consolider dans les esprits, avant tout par
l’éducation, leitmotiv des enfants de Platon, épris d’égalité sociale.
II – La République consolidée dans le Réel.
L’Uchronie, analysée dans sa dimension politique et philosophique, peut
s’analyser comme une audacieuse « instrumentalisation » de l’Histoire.
Les réformes faites par Avidius Cassius, notamment, sont le reflet
direct de l’idéal républicain de Charles Renouvier. Elles expriment
moins une reconstruction historique rigoureuse qu’un idéal politique
serti dans la fiction. De plus, L’Uchronie revêt également, alors même
qu’il s’agit d’une fiction, ou précisément parce qu’elle se revendique
telle, une fonction pédagogique qui exprime l’importance que Charles
Renouvier accorde à l’enseignement, en tant que vecteur principal de
diffusion des valeurs républicaines. Ainsi, sous couvert d’histoire
revisitée, Renouvier présente un programme de consolidation des acquis
républicains qui consiste à justifier la République par les réformes
(A) avant de l’enraciner dans les esprits par l’enseignement (B).
A – La République justifiée.
Détailler les réformes opérées dans le premier tableau de l’Uchronie,
par le dictateur Avidius Cassius, c'est identifier le programme
politique du républicain Charles Renouvier pour son propre temps. On y
retrouve l'appel au suffrage universel, la justification de la petite
propriété comme garantie de la liberté individuelle, le principe de
l'égalité devant l'impôt, l'obligation du service miliaire,
l'importance de l'éducation dans la formation de l'esprit républicain,
la conviction que la loi est le meilleur rempart de la république, et,
bien sûr, l'anticléricalisme de l'auteur, autant de traits
caractéristiques d'un penseur républicain du dix-neuvième siècle.
« 1°
Droit de cité reconnu à tout habitant libre ou affranchi des provinces
occidentales. Extension des droits municipaux. Admission de ces mêmes
provinces au vote des lois générales de la République. (65) 2°
Cession des terres incultes de l’Italie et de la Gaule aux citoyens qui
s’engagent à les cultiver, avec exemption de l’impôt pendant dix ans ;
établissement d’un maximum de propriétés rurales ; obligation imposée
aux propriétaires de vendre ou de céder à leurs affranchis ou esclaves,
sous condition de rente perpétuelle rachetable, toute l’étendue de
leurs terres dépassant le maximum fixé par la loi. (66)
3° Affranchissement légal de tout esclave qui aurait pris à bail perpétuel et cultivé pendant trois ans la terre de son maître. (67) 4°
Suppression des fermes et régies de l’impôt ; abolition des péages et
droits de vente ; réduction du revenu à ces quatre formes pour toute
l’étendue de la République ; mines et forêts ; imposition foncière ;
capitation pour les citoyens non propriétaires ; taxes des successions (…) (68) 5°
Imposition du service militaire à tout citoyen, sans exception, à un
âge déterminé par la loi. Réduction du temps de service à trois ans,
dans le plus bref délai possible. Extinction du vétéran et du soldat de
profession. Appel des hommes libérés pour les guerres défensives. (69) 6°
Institutions d’éducation physique et morale à l’usage de tous les
centres de population et des armées ; enseignement de la philosophie et
des lettres, des principes de l’Humanité et des lois de l’Etat. (70) 7° Interdiction
des droits du citoyen à tout homme qui se reconnaît chrétien, en ce
sens et à ce point de déclarer formellement ne point aimer le monde, en
attendre la fin et subordonner sans réserve ses vœux, ses pensées, sa
volonté à des espérances ou des intérêts étrangers à la République. (71) 8° Extension
des droits civils des femmes, des enfants et des esclaves (…)
conformément au principe généreux de la morale philosophique : l’amour
du genre humain, et aux règles inviolables de l’éternelle justice ;
reconnaissance des droits naturels d’égalité et de liberté ;
attachement au caractère sacré de la loi, qui sera désormais non plus
l’arbitraire des législateurs, mais un contrat de la République avec
elle-même. » (72)
Dans
l’Uchronie, Renouvier explique les mentalités romaines se sont
transformées dès les premières applications de ces réformes et que « la franchise du but et la rapidité de l’exécution » (73) eurent raison de toutes les résistances grâce aux « bons mouvements que l’imprévu du bien entraîne dans une seule journée »
(74). Cette célérité des changements fait plus penser à la Révolution
de 1848 qu’aux mutations de la société républicain de l’Antiquité.
Un autre élément justifie la République, pour Renouvier : elle seule
préserve la société de l’anarchie et du despotisme. Si, comme les
philosophes grecs l’avaient compris, l’anarchie mène au despotisme,
c’est surtout, aux yeux de l’auteur, la théocratie qui conduit
inévitablement à la mise en place d’un pouvoir de type monocratique,
dont le despotisme originel est effacé par une légitimité apposée a
posteriori par l’autorité spirituelle. Dans l’Uchronie, il rappelle qu’en Occident, grâce à « l’éviction » du christianisme « l’universelle
tolérance, la diffusion des cultes et la prééminence incontestée de
l’idée civile assuraient le peuple contre le despotisme spirituel,
générateur fatal de l’autre despotisme et d’ailleurs pire que lui. » (75)
L’auteur livre une analyse parfaitement lucide du fonctionnement de la
monarchie d’Ancien Régime, qu’il reconstruit simplement dans un cadre
oriental : « l’homme du glaive se charge de rendre la foi
obligatoire autant que possible, au moins dans l’enceinte que son épée
trace sur le sol : il défendra l’homme de paix, organe de cette foi ;
il lui posera sous les pieds l’ennemi terrassé (…) l’homme de paix
donnera l’investiture d’en haut à l’homme du glaive et lui portera les
cœurs en don, la victoire en promesse. On divisera d’ailleurs entre soi
les produits honorifiques et matériels de l’obéissance des peuples en
surveillant de part et d’autres les occasions de s’en attribuer la plus
forte partie et d’en gouverner en outre la moindre » (76).
Pour autant, dans l’évolution qu’il décrit en ce qui concerne l’Orient,
Charles Renouvier y voit surtout triompher la division et l’anarchie,
non l’unité institutionnelle, malgré l’existence de grands centres
urbains tels que Antioche ou Jérusalem, dans lesquels persistent,
fortement diminué, un certain esprit latin. Sans compter que les
représentants de l’Eglise, les « surveillants » comme Renouvier
les nomme, n’ont de cesse que de « miner l’autorité de princes » en
cherchant à les désigner eux-mêmes et à s’attribuer le contrôle de leur
gouvernance, ce qui provoque le retour, inexorable à long terme, de la
féodalité : « l’extinction de la vie urbaine, la disparition des
capitaux, le danger des voyages et l’impraticabilité des routes ayant
anéanti tout commerce lointain et réduit l’industrie aux arts manuels
du village ou de la famille, ce qui restait de richesse était accumulé
dans les églises et dans les forteresses » (77). Du coup, « les
habitations rurales venaient à se grouper autour de quelque abbaye
vénérée ou sur des hauteurs, à l’ombre d’un fort, s’entourant
elles-mêmes de murs et de fossés, de défendant de leur mieux à l’aide
de créneaux et de mâchicoulis. A dater de ce moment, l’Eglise et le
fort voisin se trouvèrent les seules garanties des populations,
garanties chèrement payées à l’occupant du fort par toutes sortes de
taxes, de péages et de corvées, au presbytère de l’église, par la dîme
des biens et le don sans réserve de l’âme » (78). Ce que décrit
Renouvier n’est autre que la féodalité occidentale transposée à
l’Orient et il stigmatise, une nouvelle fois, le rôle aggravant et
l’opportunisme de l’Eglise dans ce recul de l’Etat et de la culture.
L’anarchie est le produit inévitable de l’intervention directe du
christianisme dans la sphère politique. Le lien entre l’histoire
imaginaire et la pensée politique de Renouvier se fait de plus en plus
évident. Son discours est ici, sans aucune tentative de
« synchronisation » avec l’époque qu’il décrit, un pur pamphlet
républicain, viscéralement anticlérical.
L’œuvre uchronique de Charles Renouvier est, en réalité, un procès à
charge contre le christianisme, d’une part, et, d’autre part,
l’apologie de la Révolution de 1848 et de la République démocratique
qu’elle a mis en place. Décrire une histoire alternative dans laquelle
la République romaine se serait pérennisée et aurait permis la
formation d’une Europe bâtie autour d’institutions politiques
démocratiques, appuyées sur une conciliation de l’unité
constitutionnelle avec la diversité des cultures, entre respect des
lois et liberté des consciences, est un moyen narratif pour le fervent
républicain qu’est Renouvier d’exprimer ses regrets amers quant à la
confiscation de la Seconde République par le Second Empire, à la suite
du coup d’Etat de Louis-Napoléon Bonaparte, le 2 décembre 1851. Mais,
en dépit de l’échec institutionnel, il lui reste l’espoir de perpétuer,
dans les esprits, les valeurs de la République.
Telle sera la mission des enseignants. B – La République enseignée. S’il est incontestable que L’Uchronie
a une dimension pédagogique, qu’il nous semble avoir déjà démontrée,
puisque, dans une sorte de mise en abîme, elle postule la stabilisation
des acquis de la République romaine par la mise en place d’un système
éducatif obligatoire, tout en s’adressant, prioritairement, à un
lectorat lui-même républicain, il faut savoir que l’œuvre de Charles
Renouvier donne, par ailleurs, une priorité explicite à l’éducation
(79).
L’appel de Renouvier à
terminer la Révolution par l’Education, considérée comme le vecteur de
diffusion par excellence de l’idéal républicain, laïque et
démocratique, résonne tout particulièrement dans son Manuel républicain des droits de l’homme et du citoyen (80), construit comme un dialogue pédagogique entre un élève et son instituteur.
Pour Renouvier, le rôle-clef de l’instituteur est d’enseigner le
catéchisme républicain, en remplaçant le sacré religieux par la
sacralisation des vertus républicaines. Voilà comment s’exprime
l’instituteur dans son Manuel républicain… : « Le temps est
venu où la morale, enseignée jusqu’ici dans les églises au nom de
Jésus-Christ, doit entrer dans les assemblées des hommes qui font des
gouvernements et des lois. Si cette morale est dans notre cœur,
montrons-le ; réglons-nous tous sur la fraternité. De même qu’il faut
que chacun de nous soit juste et charitable envers ses frères, de même
il faut que ceux qui ont un pouvoir sur les hommes et qui veulent les
conduire, soient justes et charitables envers tous les hommes. Je dis
donc que les hommes doivent par le moyen des lois qu’ils se font, de
l’instruction qu’ils se donnent, et de toute action qu’ils ont les uns
sur les autres, se faciliter leur perfectionnement et s’approcher
toujours plus de la fraternité pour laquelle ils furent crées » (81).
D’une certaine manière, « l’appel »
de Charles Renouvier a été entendu par ceux auxquels il s’adresse. Sous
couvert de fiction, son didactisme républicain a porté ses fruits et
permis la mise en place de « la République des professeurs » (82), défendue, dès les bancs de l’école primaire, par les « hussards noirs » (83) que furent les instituteurs. Ainsi, sans changer l'histoire, L'Uchronie y aura tout de même contribué.
Ugo Bellagamba (1) Charles RENOUVIER, L'Uchronie
(l'utopie dans l'histoire) Esquisse historique apocryphe du
développement de la civilisation européenne tel qu'il n'a pas été, tel
qu'il aurait dû être, Paris, Bureau de la critique philosophique,
1876 , p. 84 (abréviation pour les notes suivantes : Uchronie) ; Paris,
Alcan, 1901 ; Paris, Fayard, 1988. (2) Paul ARCHAMBAULT, Renouvier, Paris, Bloud, 1911 ; Octave HAMELIN, Le système de Renouvier, Paris, J. Vrin, 1927 ; Roger VERNEAUX, L'idéalisme de Renouvier, Paris, J. Vrin, 1945 ; Louis FOUCHER, Bibliographie chronologique de Charles Renouvier, Paris, J. Vrin, 1927 ; Laurent FEDI, Le problème de la connaissance dans la philosophie de Charles Renouvier, Paris, L'Harmattan, 1999 ; Roger PICARD, La philosophie sociale de Renouvier, Paris, Rivière, 1908 ; Gaston MILHAUD, La philosophie de Charles Renouvier, Paris, J. Vrin, 1927 ; Louis PRAT, Charles Renouvier, philosophe : sa doctrine, sa vie, Paris, Labrunie, 1937 ; Paul MOUY, L'idée de progrès dans la philosophie de Renouvier, Paris, J. Vrin, 1927 ; Fernand TURLOT, Le personnalisme critique de Charles Renouvier, Strasbourg, Presses Universitaires de Strasbourg, 2003.
(3) Son père fut député de l’Hérault durant la Monarchie de Juillet
et son frère, après un bref parcours politique avant 1848, devint
archéologue. Consulter Louis FOUCHER, La jeunesse de Renouvier et sa première philosophie (1815-1854), Paris, Librairie philosophique J. VRIN, 1927. (4) Ibid. (5) Charles RENOUVIER, Manuel de philosophie moderne, Paris, Paulin, 1842. (6) Charles RENOUVIER, Manuel républicain de l'Homme et du Citoyen, Paris, A. (7) Charles RENOUVIER, Organisation
communale et centrale de la République, projet présenté à la nation
pour l'organisation de la commune, de l'enseignement, de la force
publique, de la justice, des finances, de l'Etat, en collaboration avec
Ch. Fauvety, co-rédacteur, & J. Benoit, F. Charassin, A. Chouippe, [reprod. Fac-Sim.], Nîmes, C. Lacour, 2000. (8) Charles RENOUVIER, Science de la Morale, Paris, Ladrange, 1869. (9) La revue philosophique et religieuse, Paris, 1855. (10) Marie-Claude BLAIS, Au principe de la République : le cas Renouvier, Paris, Gallimard, 2000. (11) La critique philosophique, Paris, 1872. (12) Ibid. (13) Ibid. (14) Roger VERNEAUX, Renouvier disciple et critique de Kant, Paris, J. Vrin, 1945. (15) Charles RENOUVIER, Victor Hugo, le poète, Paris, A. Colin, 1893 ; Charles RENOUVIER, Victor Hugo, le philosophe, Paris, A. Colin, 1900. (16) Michèle RIOT-SARCEY, Thomas BOUCHET, Antoine PICON, Dictionnaire des Utopies, Paris, Larousse, 2002. (17) Eric B. HENRIET, l'Histoire revisitée, panorama de l'uchronie sous toutes ses formes,
Amiens, Encrage, 2004. L'auteur y définit l'uchronie comme un genre
littéraire dans lequel les auteurs mettent en scène des histoires
imaginaires, bâties à partir d'un « point de divergence »,
c'est-à-dire, la survenue d'un événement ou, au contraire, l'absence
d'un événement considéré comme déterminant. Les uchronies permettent
aux auteurs, sous couvert d'imaginaire (à aucun moment, ceux-ci
n'entendent faire du révisionnisme) de mettre en lumière les paradigmes
et les dérives de leur propre temps. La victoire de Napoléon à
Waterloo, la défaite de l'Angleterre face à l'Invincible Armada, le
triomphe des forces de l'Axe durant la Seconde Guerre Mondiale, donnent
des univers divergents qui remplissent la même fonction satirique,
critique et pédagogique que l'utopie. (18) Louis GEOFFROY, Napoléon apocryphe, 1812 – 1832, histoire de la conquête du monde et de la monarchie universelle, Paris, Paulin, 1841. (19) Uchronie, pp. I à XVI. (20) Uchronie, p. I. (21) Uchronie, pp. III-IV. (22) Uchronie, p. IV. Il s'agit de décrire une histoire dans laquelle « le
progrès des sociétés et l’organisation définitive des nations d’élite,
entièrement dus à la philosophie et au développement des mœurs
politiques, n’assureraient aux religions que le droit des associations
libres, limitées les unes par les autres et par la prérogative morale
d’un Etat rationnel ». (23) Marcel MERY, La critique du christianisme chez Renouvier, Paris, J. Vrin, 1952. (24) Uchronie, p. 88. (25) Uchronie, p. 90.
(26) Uchronie, p. 91
(27) Uchronie, p. 96.
(28) Uchronie, p. 102.
(29) Uchronie, p. 140.
(30) Ibid. : « la
décomposition de l’Eglise en sectes rivales, aux mêmes prétentions
absolues et dominatrices, le fanatisme disposant des cœurs, la guerre
enfin dans les églises, dans les cités, dans les familles… » (31) Uchronie, p. 148 : « Alexandrie fut l’officine universelle pour la fabrication des dogmes théologiques et métaphysiques »
(32) Ce comput diégétique est daté à compter de la fondation de la Rome
en 753 avant J.-C., le XIIe siècle du récit correspondant donc au IVe
siècle de l’ère chrétienne.
(33) Uchronie, p. 161.
(34) Uchronie, p. 166.
(35) Uchronie, p. 168
(36) Uchronie, p. 169.
(37) Ibid.
(38) Uchronie, pp. 173-174.
(39) Uchronie, p. 181.
(40) Uchronie, p. 183. (41) Uchronie, p. 205 : cette situation « aboutit
comme de coutume à une de ces crises où la question est remise au
hasard des circonstances et des talents des hommes, de savoir si un
dictateur, un despote quelconque détruira toutes les libertés, sous le
prétexte ou de venger ou de servir le peuple, ou de sauver les intérêts
menacés des riches et des grands »
(42) Uchronie, p. 210.
(43) Ibid. : le Sénat « se
trouva, par ses lumières et ses principes, à la hauteur de ce qui
s’était fait depuis trois quarts de siècle pour répandre la philosophie
et les lettres »
(44) Uchronie, p. 211 : « La Gaule et l’Hispanie se trouvèrent libres de fait, comme elles l’étaient probablement d’intention »
(45) Uchronie, p. 215
(46) Uchronie, p. 219.
(47) Uchronie, p. 235.
(48) Uchronie, p. 236.
(49) Uchronie, p. 239.
(50) Ibid. : les docteurs du clergé s’emploient à « faire
honte aux princes chrétiens de leur esprit de violence et de
l’injustice qui les armait contre leurs frères en Jésus-Christ, alors
que l’Infidèle était maître paisible des contrées que les apôtres
avaient arrosées de leur sang. Rome surtout Rome, le siège prétendu de
Pierre et le tombeau de Pierre et de Paul, semblait dans sa grandeur et
dans sa liberté une insulte à la vraie foi »
(51) Uchronie, p. 241.
(52) Uchronie,
p. 242 : « non plus de ces attaques divisées et mal concertées que l’on
doit craindre de voisins belliqueux et pillards, mais d’une coalition
générale des princes du centre et de l’orient de l’Europe contre la
liberté religieuse et, en un mot, d’une guerre d’extermination et de
conquête »
(53) Uchronie, p. 248.
(54) Uchronie, p. 252.
(55) Uchronie,
pp. 224-229 : Renouvier relate les progrès de ces Mystères chargés de
symbolique antique et censés contribuer à « l'édification religieuse ».
(56) Uchronie,
pp. 256-257 : Renouvier ajoute que « la principale différence qui avait
existé entre elles cessa d'être dès que le christianisme se fondait lui
aussi sur l'inspiration non maîtrisée des consciences individuelle, sur
des traditions librement acceptées ou rejetées, et se constituait en
églises tolérantes et variées. » (57) Uchronie, p. 278 : « Nous
avons appris à produire, écrit Renouvier en appendice de son récit, en
conspirant avec les forces naturelles, des merveilles plus grandes que
celles qu’on attribuait jadis à des pouvoirs magiques imaginaires : à
grandir les petits objets et à rapetisser les grands, par le moyen de
verres interposés, et à remédier ainsi aux défectuosités de notre vue ;
à décrire les figures et les grandeurs des corps les plus éloignés, à
créer dans les milieux réfringents ou à l’aide de surfaces
réfléchissantes, les prestiges que nous voulons ; à incendier à
distance, comme Archimède, à faire brûler les corps dans l’eau, à
chauffer les bains sans feu, à nous éclairer avec des flambeaux qui ne
se consument point. Nous connaissons les vaisseaux sans navigateurs et
qu’un seul homme conduit, quelques grands qu’ils soient, avec plus de
vitesse que s’ils étaient pleins de rameurs ; et les ponts sans piles
pour passer les rivières, et les appareils pour marcher au fond de la
mer ou des fleuves, et les voitures sans attelages, et les chars
entraînés, sans moteurs animaux, avec une force extraordinaire ; et des
instruments pour voler, des ailes artificielles, et des engins d’un
petit volume qui nous permettent de soulever des poids énormes ; et
l’art d’écrire aussi vite et aussi brièvement que l’on veut, en
caractères occultes, et celui d’user, avec des agents convenables, de
la puissance naturelle du désir et de la volonté sur la Nature ». (58) SAINT-SIMON, Claude-Henri De ROUVROY, Catéchisme des industriels, in Oeuvres, Paris, Anthropos, 1966. (59) SAINT-SIMON, Claude-Henri De ROUVROY, le Nouveau Christianisme, in Oeuvres, Paris, Anthropos, 1966. (60) SAINT-SIMON, Claude-Henri De ROUVROY, l'Organisateur, in Oeuvres, Paris, Anthropos, 1966. (61) Charles FOURIER, Le
Nouveau monde industriel et sociétaire, ou invention du procédé
d'industrie attrayante et naturelle distribuée en séries passionnées, Paris, Bossange Père, P. Mongié aîné, 1829-1830. (62) Etienne CABET, Voyage en Icarie, Paris, Le Populaire, 1848. (63) Etienne CABET, Le vrai christianisme selon Jésus-Christ, Paris, Bureau du Populaire, 1846. (64) Uchronie,
p. 283. Ici, Charles Renouvier utilise un artifice narratif déjà
classique, en maquillant ses propos sous l'apparence d'une note de bas
de page rédigée par l'éditeur. (65) Uchronie, p. 88. (66) Uchronie, pp. 88-89. (67) Uchronie, pp. 88-89.
(68) Ibid. (69) Ibid.
(70) Ibid.
(71) Uchronie, pp. 89-90.
(72) Uchronie, p. 90. (73) Ibid. (74) Uchronie, p. 91. (75) Uchronie, p. 140. (76) Uchronie, p. 142. (77) Uchronie, p. 171. (78) Uchronie, pp. 171-172. (79) Charles RENOUVIER, L’éducation populaire, La critique philosophique, Tome II, 1881, p. 344 ; Charles RENOUVIER, Les réformes nécessaires : la liberté de l’enseignement, La critique philosophique, Tome II, 1879, p. 304 ; Consulter sur ce point, Jean-Philippe AGRESTI, La république de Charles Renouvier, Mémoire de D.E.A., Aix-en-Provence, 1999, p. 135 : « De
l’éducation républicaine et de la forme d’instruction proposée dépend,
tout simplement, pour Renouvier, l’avenir de la République démocratique
et de son fondement : le suffrage universel. L’éducation de tous
constitue simultanément l’égalité républicaine et la République
démocratique. On peut déceler chez Renouvier une interdépendance entre
ces deux notions. Sans enseignement pour tous pas d'égalité
républicaine, sans égalité devant l'enseignement pas de République
démocratique ».
(80) Charles RENOUVIER, Manuel républicain de l'Homme et du Citoyen, Paris, A. Colin, 1904 ; Charles RENOUVIER, Manuel
Républicain de l’Homme et du Citoyen (précédé d’une préface en réponse
aux critiques et suivi d’une nouvelle déclaration des droits de l’Homme
et du Citoyen), présenté par M. AGULHON, Paris, Les classiques de la politique, Garnier, 1981.
(81) Ibid., p.77. (82) Albert THIBAUDET, La république des professeurs, Paris, Grasset, 1927. (83) Jean-Charles VARENNES (en collaboration avec André PELLETIER), Dans l'Allier notre école au bon vieux temps : les hussards noirs de la République, Lyon, Horvath, 1994.
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